Vanille et vanille de Tahiti
Cela fait maintenant plus d’un an que nous avons quitté la Polynésie, et un an que j’ai eu l’occasion de faire un interview avec Loïc de chez Tahiti Vanille. C’était lors de notre passage sur l’île de Raiatea et notamment lors de notre séjour complet au Raiatea Lodge (une merveille soit dit en passant), que nous avons pu au bord du piscine rencontré Loïc et lui poser toutes les questions que nous avions en tête sur la vanille de Tahiti.
C’est après avoir fait la connaissance d’Alain Abel lors d’un passage sur l’île de Raiatea, que j’ai eu l’occasion de faire cet interview et je l’en remercie vraiment ! Allez, sans plus tarder, voici tout ce que vous devez savoir sur la vanille ! Je vous l’accorde, l’article est parfois un peu en vrac, mais je suis certain que vous allez apprendre des choses sur la vanille grace à toutes ses infos !
Merci également à Loïc pour une partie des photos de cet article ! Les autres photos ont été prises par moi-même lors de mon passage chez Tahiti Vanille à Raiatea.

Qu’est-ce que la vanille ?
La vanille est une orchidée qui a la forme d’une liane et qui vit dans un milieu tropical. Elle est considérée comme hémiépiphyte, ce qui veut tout simplement dire qu’elle a besoin d’un support pour se développer, mais ne peut être considérée comme un parasite. Elle ne tuera pas son support mais s’en servira pour se développer et grandir.
L’historique de la vanille
La vanille est originaire d’Amérique Centrale, plus précisément du Mexique. Initialement, ce sont les aztèques qui se servaient de la vanille pour parfumer leurs plats. Avec l’arrivée des colons, ces derniers ont découvert cette vanille. Ils l’ont ainsi ramené en Europe et ont essayé de la cultiver. Malheureusement, les premiers essais n’étaient pas concluants mais il n’y avait pas de raison précise à cet échec. Plus tard, ils ont découvert que c’est en réalité grâce à une abeille qui vit uniquement en Amérique Centrale, au Mexique, que la vanille pouvait être pollinisée naturellement.
En attendant, la France a quand même essayé de cultiver la vanille un peu partout, sans réussite. C’est seulement en 1841 qu’un jeune esclave noir du nom d’Edmond, originaire de l’île de la Réunion, réussit du haut de ses 12 ans à inventer la pollinisation artificielle par l’homme.
C’est depuis ce moment-là que la culture de la vanille a pu commencer, en particulier dans l’Océan Indien, et notamment sur l’île de la Réunion. C’est surtout depuis 1880 que la culture de la vanille a pris de l’ampleur sur les îles de la Réunion et de Madagascar. Ce sont des cultivateurs de l’île de la Réunion qui auraient apporté la vanille à Madagascar.
Toutes les vanilles cultivées dans l’Océan Indien sont principalement de la variété « vanilla planifolia » ou « vanilla fragrance ». Il s’agit de la vanille originelle/classique. Aujourd’hui, c’est la vanille la plus vendue dans le monde, celle que l’on appelle aussi la « vanille Bourbon », cultivée dans les pays de l’Océan Indien. Il s’agit d’un label ayant été créé pour certifier que la vanille a bien été cultivée dans l’Océan Indien, et pas ailleurs. Pour information, la vanille est uniquement cultivée dans des pays possédant un climat tropical et humide.


L’arrivée de la vanille en Polynésie
Concernant l’histoire de la vanille à Tahiti, elle a été introduite en 1848. C’est un amiral français qui importa des plants de vanille de l’espèce Vanilla Fragrans (Planifolia). Deux ans plus tard, un deuxième amiral français importa quant à lui des plants de vanille de l’espèce Vanilla Aromatica. Les deux espèces de vanille furent croisées pour donner naissance à la Vanille de Tahiti, Vanilla Tahitensis.
Le processus de la vanille
La vanille est donc une plante, et plus précisément une orchidée. Il s’agit d’une liane qui a des feuilles alternées, planes, entières, et ovales avec le bout pointu. À l’aisselle de ces feuilles, un bourgeon se forme pour donner le fruit. Ce sont ces bourgeons qui vont ensuite se transformer en fleurs, qu’il faudra polliniser manuellement avec la méthode d’Edmond.
La pollinisation manuelle
La fleur de vanille possède à la fois les organes reproducteurs femelles et mâles : c’est donc une plante hermaphrodite. L’organe reproducteur femelle se trouve en bas, et celle du mâle en haut. Entre les deux, on retrouve une sorte de petite feuille qui recouvre l’organe reproducteur femelle, appelée le rostellum. C’est cette feuille qui évite l’autopollinisation de la fleur. Aussi, pour polliniser cette fleur, on utilise le pouce gauche et on abaisse en premier lieu le label. Il s’agit de petits pétales qui couvrent l’organe reproducteur femelle. Cette manipulation permet de dégager l’organe reproducteur femelle. Ensuite, avec la main droite, on utilise un petit stylet, on remonte le rostellum et on le soulève. Enfin, avec le pouce droit, on tapote légèrement les étamines qui entrent en contact avec l’organe reproducteur femelle.
En résumé, la manipulation consiste à rapprocher les deux organes afin d’avoir une fécondation. Le stylet ne sert juste qu’à relever ce qui « gêne » pendant la pollinisation manuelle. Après la fécondation, la fleur devient un fruit. Ce dernier se développe pendant neuf mois pour obtenir une gousse de vanille mature.
Sur une seule orchidée, il peut tout à fait y avoir plusieurs fleurs. Chaque fleur pollinisée (manuellement ou via l’abeille au Mexique) donne une gousse. Si tu pollinises de nombreuses fleurs, le vanillier doit répartir ses nutriments entre plusieurs fleurs, ce qui va ralentir la croissance. Aussi, si tu pollinises trop de fleurs sur une même grappe, les gousses vont se gêner mutuellement et pourront ainsi empêcher la bonne formation de certaines d’entre elles. Ainsi, l’agriculteur doit quelques fois volontairement ne pas polliniser toutes les fleurs sur une même grappe pour ne pas gêner la formation des autres gousses, et donc avoir des gousses de vanille de très bonne qualité.





La Période de fécondation
Formation de la vanille
En Polynésie, la période de fécondation se situe entre juillet et septembre. Les mois d’avril à mars correspondent à la période froide, permettant ainsi la formation des fleurs sur le vanillier. La récolte de la vanille se fait localement entre juin et juillet. Il est globalement rare de n’avoir qu’une seule fleur sur un vanillier. Sur une même liane, on retrouve plusieurs feuilles, et on peut trouver un bouquet de fleurs sur chaque aisselle de feuilles. La durée de vie d’une liane est de 10-12 ans. Elle finira par ne plus donner autant de gousses qu’avant, mais elle va aussi perdre en qualité.
On pourrait se poser la question s’il existe des graines de vanille ? Alors oui, la vanille possède pas mal de graines, mais il est impossible de faire pousser le fruit avec. En effet, la liane de la vanille est asexuée. Elle ne se reproduit que par bouturage avec des branches d’environ 15 à 18cm de long. Pour un nouveau plan de vanille, il faudra attendre 2 à 3 ans pour commencer à voir apparaître des fleurs.
La vanille, au départ de couleur verte, virera au jaune puis enfin au noir. Dès qu’elle est jaune, on la considère alors comme à pleine maturité. Elle peut donc être cueillie et finira ensuite par virer vers le noir. En Polynésie, on la ramasse lorsqu’elle est verte/jaune. Les agriculteurs attendent 9 mois, et dès qu’elle commence à jaunir, ils la cueillent.



La récolte et le séchage de la vanille
Quelques mots sur Tahiti Vanille en premier lieu. Alain ABEL et son équipe connaissent et préparent la vanille de Tahiti depuis plus de 20 ans déjà. Au fil des années, une collaboration de confiance étroite s’est tissée entre Tahiti Vanille et les vaniculteurs des îles Sous-le-Vent (Tahaa, Raiatea, Huahine et Bora Bora). Tahiti Vanille s’occupe de transformer/préparer les gousses de vanille, la fameuse étape du séchage. On peut considérer Tahiti Vanille comme un préparateur et exportateur de vanille, commercialisant essentiellement en France et en local. Ils se situent sur l’île de Raiatea, au PK29 Est. Une douce et forte odeur de vanille saura guider les touristes qui pourront s’arrêter voir le séchage et le triage (de préférence le matin vers 10h) durant la saison de la récolte. Il est également possible d’acheter sur place plusieurs produits tels que des gousses, de la poudre ou de la pâte de vanille.
Mais revenons à la récolte. Il faut bien comprendre que cultiver la vanille et la préparer (transformation et séchage) sont deux étapes complexes et bien distinctes. Rares sont les personnes qui font en réalité ces deux étapes. On peut considérer que la qualité de la vanille des agriculteurs se ressemble, mais celle issue de la préparation (donc de différents préparateurs) peut être bien différente à la fin du séchage. C’est cette étape qui fait toute la différence !
Pour parler de leur expérience, Tahiti Vanille achète la vanille à pleine maturité (jaune ou noire). La vanille est ensuite rincée à l’eau claire et placée dans des draps en coton (le Faraoti en tahitien) qui sont ensuite étalés sur une bâche, sous le soleil tropical polynésien. L’objectif de cette étape de séchage est donc de faire transpirer la vanille au soleil pour lui faire perdre son eau, les draps en coton étant utiles pour absorber l’humidité. Elle est ensuite brassée et étalée pendant 3/4h au soleil. Puis, les draps sont renoués avec la vanille à l’intérieur et placés dans des bacs en attendant le lendemain. Le temps de séchage dépend de la gousse de vanille, mais on estime qu’il faut la faire sécher environ une trentaine de fois au soleil, soit plus ou moins 1 mois (s’il fait beau). Il faut savoir qu’à la vente, les agriculteurs pré-calibrent la vanille de la sorte : gousses de plus de 16cm, et les autres. Le séchage se fait généralement d’août à novembre.
En perdant de l’eau, la vanille aura tendance à se rider, perdant ainsi de son poids. C’est une étape importante car ce processus de séchage active les réactions chimiques de la vanille, ce qui développe donc ses arômes. Pour autant, il faut trouver un juste milieu entre ne pas la rendre trop sèche au risque de perdre en qualité, et ne pas diminuer suffisamment sa teneur en eau pour éviter la formation de moisissures.


Triage et calibrage de la vanille
Après le séchage vient l’étape du tri. En effet, toutes les gousses de vanilles n’ont pas la même taille, certaines gousses pouvant avoir plus ou moins bien séché. L’équipe Tahiti Vanille trie donc chaque gousse une à une pour en juger de la qualité, et se charge de masser la gousse pour bien répartir les grains de vanille de façon homogène.
Vient enfin l’étape du calibrage, où l’on va mesurer à la règle la gousse de vanille. La mesure commence à partir de 12cm, puis centimètre par centimètre. Cette étape est essentiellement à but esthétique, permettant de proposer un paquet de vanille uniforme en taille. Dans les recettes de grands chefs, il peut être indiqué 3 gousses de 15cm. C’est donc important d’avoir un bon calibrage. La taille représente l’esthétique, et le poids permet de déterminer le prix.
Enfin vient l’étape de l’affinage, où la vanille est stockée à l’abri de l’humidité. Comme pour le vin, cela permet à la vanille de développer son arôme. Cette étape peut durer 3 à 4 mois, dans une cave.
En résumé, à partir du moment où tu pollinises une fleur, tu dois attendre 9 mois pour la ramasser, puis 1 ou 2 mois pour la sécher, et encore 3 ou 4 mois pour l’affinage. C’est souvent plus d’un an de patience et de préparation pour avoir une gousse de vanille prête à la commercialisation.
Comment utiliser la vanille ?
Un peu de conseils et de gastronomie. On distingue la pâte de vanille, la poudre de vanille et l’extrait de vanille. La pâte, c’est simplement ce qui se trouve dans la gousse (tous les grains). C’est la partie la plus concentrée en arômes. La poudre de vanille a un peu moins d’arômes que la pâte car il s’agit de gousses de vanille entières, séchées et moulues. On considère que l’utilisation de la pâte de vanille permet d’économiser jusqu’à 30% par rapport à de la vanille fraîche.
Pour l’utilisation, l’idéal est de fendre la gousse en deux tout le long de sa longueur à l’aide de la pointe d’un couteau, puis de bien racler les graines pour les incorporer dans la préparation de votre plat. Pour le stockage, vous pouvez placer les gousses dans un pot/bocal en verre avec du sucre ou de rhum, et le placer au fond d’un placard à l’abri de sources lumineuses et d’humidité.
Conservation
Pour une vanille non utilisée, je recommande de la placer dans un bocal en verre fermé hermétiquement pour qu’elle ne soit pas en contact avec l’air ou l’humidité, et à l’abri du jour. Si la vanille est bien conservée, elle n’est pas périssable. Si elle est mal conservée, il peut y avoir de la moisissure dessus. Dans ce cas-là, elle n’est pas forcément perdue, mais elle a cependant perdu de ses arômes…

Réputation de la vanille de Tahiti
Le processus de fabrication de la vanille à Tahiti est différent de celui de la vanille de Madagascar. Cette dernière, la plus vendue dans le monde, se nomme « Vanilla Planifolia ». C’est une espèce qui, quand elle arrive à maturité, s’ouvre en libérant ses graines. C’est un fruit déhiscent. Sur place, la vanille est cueillie avant sa maturité (donc verte). Elle est ensuite chauffée dans de l’eau bouillante à 70/90° pour arrêter le processus de maturation, ce qui a tendance à dénaturer la vanille.
À Tahiti, la Vanilla Tahitensis possède la particularité de ne pas s’ouvrir à maturité. Elle n’est donc pas déhiscente (espèce différente). Et c’est justement ça qui est important, puisque le fruit reste 3 mois de plus sur le vanillier, et c’est principalement à la fin de cette maturation que les arômes se développent. La vanille de Tahiti est plus grosse, plus grasse et plus pulpeuse que celle de Madagascar, et présente généralement un bouquet aromatique différent. C’est tout simplement un fruit qui est arrivé à maturité.



Comment reconnaître de la bonne vanille ?
On peut reconnaître une vanille de qualité quand elle est bien ridée, bien grasse et qu’elle brille. Si vous arrivez à faire un nœud avec votre gousse de vanille, c’est que la qualité est là.
Pourquoi la vanille de Tahiti est-elle si chère ?
Appelée « l’or noir », on dit que c’est le deuxième épice le plus cher au monde après le Safran. Comme on l’a vu, la production et la préparation de la vanille de Tahiti est un processus très complexe et difficile.
Pour la petite explication, le prix de la vanille a augmenté ces dernières années. Avant les années 2000, les grandes entreprises préféraient acheter de la vanille synthétique (fabriquée en laboratoire) car elle coûtait moins cher. Les producteurs se retrouvaient donc avec de la vanille à bas prix, et ce n’était plus rentable. Nombreux sont ceux qui ont abandonné la culture de la vanille pour cette raison.
Vers les années 2010, la tendance de consommation est devenue plus orientée vers le bio et le naturel. La demande a donc augmenté, mais l’offre n’était plus là, car beaucoup d’agriculteurs avaient abandonné leur plantation.
Durant cette même époque, il y a eu plusieurs cyclones à Madagascar, qui ont malheureusement ravagé les plantations de vanille. La production a donc diminué sur place, ce qui a largement impacté le marché de la vanille, car l’île de Madagascar représente 80% de la production mondiale.
J’arrive à la fin de ce petit interview avec Loïc de Tahiti Vanille. J’espère que vous avez appris des choses et que cet article vous a plu ! Si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à venir lire nos articles sur la Polynésie française.
Je vous dis à bientôt,
Sylvain
Bonsoir,
Nous avons eu l’occasion d’aller visiter ce site et c’est génial.
Ce que j’ai le plus apprécié, c’est l’odeur de la vanille quand on pénètre dans l’enceinte de la propriété ! mais aussi la gentillesse de Loïc et de toutes ses explications quand il nous a fait visiter son jardin des orchidées.
Merci de nous faire revivre cet excellent moment !
Michèle
Merci de ton retour Michèle 🙂